L’Homme-Dieu Déchu
*
ACTE I. MAÎTRES NÉS
L’homme-dieu d’être né
est déjà couronné.
Nul besoin de prouver
Ta légitimité.
Ta nature justifie
l’innée suprématie.
*
Soulagement suprême
De n’être pas né femme.
Aux pères et leurs garçons
Dépourvus de ce con
Desirable encombrant
À leurs corps défendants.
*
La vie est dure bien sûr
il te faudra exclure
Tous les usurpateurs
qui auraient aimé naître
- les voilà qui t’entourent -
non fantômes mais maîtres.
*
D’Alexandre à César
Napoléon et tous les tsars.
Sur les routes des nuées
de croix, de pioches, d’épées.
Les vertiges du prestige
Perpétuent la traitrise.
*
Depuis l’âge de faire
et plusieurs millénaires.
Dictateurs indécents
sur tous les continents.
C’est à toi par ici
que le peuple obéit.
ACTE II. À L’ENCRE NOIRE
Hydre ivre de défis,
aux cuirasses endurcies.
Accomplir ton devoir.
Créer ton œuvre d’art
et peindre à l’encre noire
la suite de l’histoire.
*
Oui toi, toujours devant.
Torse bombé en avant.
Prêt à tout conquérir,
Quitte à nous voir périr.
Aveugle et sourd au monde
qu’il faudrait que l’on tonde.
*
Tu es l’homme-sachant.
Nous sommes les ignorants.
Tu apportes de l’eau
du blé, du pain aux sots.
Maintenus en survie.
La planète en sursis.
*
Que retiendra l’histoire
Et surtout qui croire ?
Te regarder chuter,
Te débattre, sombrer.
De toutes parts s’effondrer
La biodiversité.
*
Faits du monde un enfer.
Encore. Toujours. Se taire.
Obéir à des lois
Qui ne servent que toi.
Acheter. Travailler
mais ne pas questionner.
ACTE III. SOLEIL PÂLE
Il parait que j’ai tort
N’ayant rien vu encore.
Le progrès attendu
La modernité – mue
En religion suprême –
Est un luxe, un emblème.
*
Ce monde. C’est le tien
Toi seul le détient.
Juste un dernier effort.
C’est bien toi le plus fort.
N’en déplaise aux enfants,
tous ceux à qui l’on ment.
*
Qui survit aux écrans ?
Aux jours sans horizons,
Privés de toute vision,
Perdus, sans convictions.
L’Homme-dieu connecté
Est bientôt détrôné.
*
Où est donc ton étoile ?
Ton soleil est bien pâle.
Que feras-tu devant
Le déluge qui t’attend ?
À quoi servent tes dogmes
Si à elles seules tes ombres
Engloutissent l’univers
Et toute sa lumière.
ACTE IV. RE-ANIMÉS
C’est une autre légende
Qu’il nous faut à présent.
Quelle que soit ma nature
Mon âge, ma culture.
Mon pouvoir est immense.
Hors la collective transe.
*
Oui, ce monde est le nôtre
N’en déplaise à notre hôte.
Et nous sommes des milliers
Prêts à nous animer.
Pour notre bien commun
Ouvrir d’autres chemins.
Changer tous nos récits.
Sonder nos prophéties.
*
Aux faux dieux du dehors,
Le vivant n’est pas mort.
Nul besoin de courage.
J’ai ma force et ma rage.
L’avenir se bâtit
D’espace et d’infini.